Valentin Valette
Animé à la fois par sa pratique photographique et ses études en Sciences Humaines et Sociales, Valentin Joseph Valette s’intéresse au médium photographique en tant qu’instrument de recherche.
Son intérêt pour les Mondes arabes et musulmans, alimenté par ses études de sociologie et de sciences politiques au sein de l’Institut d’Études Politiques de Sciences Po Aix-en-Provence, le conduit aujourd’hui à vivre entre la Tunisie, l’Algérie et la France.
En 2021, Valentin a rejoint l’Institut de Recherche pour le Développement en Tunisie (IRD) au sein du programme de recherche Territoires Urbains et Gouvernance de Crise (TURGOCRISE) du CNRS pour lequel il a réalisé son premier film documentaire, en cours de montage, et une enquête sociologique. Dans ce cadre-là, il effectue depuis 2023 une commande photographique au long-terme pour Médecins du Monde sur la thématique de la santé en migration des harragas.
En parallèle, il développe depuis 2021 un projet photographique au long cours « Ashes of the Arabian’s Pearl » sur l’aménagement territorial et le développement économique au Sultanat d’Oman, qui soulève des concepts géographiques comme des questions migratoires. Son travail a été sélectionné pour le Leica Oscar Barnack Award 2024, le Kolga Tbillisi Award 2024, le PhMuseum Award 2024, l'Art Photoc Barcelona Award 2024 et le Belfast Photo Festival 2024, le Prix Jeunes Talents des Agents Associés. Il travaille actuellement sur la réalisation de son premier ouvrage photographique
Début 2024, Valentin Valette a entamé un projet doctoral en anthropologie visuelle intitulé « les Harkis et l’Algérie : liens, expériences et circulations » qui se situe à la croisée de la sociologie des migrations, des mémoires et des appartenances. Il est rattaché aujourd’hui à l’Institut de Recherche sur le Maghreb Contemporain (IRMC) en Tunisie et à l’Institut d’Ethnologie et d’Anthropologie Sociale (IDEAS) d’Aix-Marseille Université.
Ashes of the Arabian’s pearl
Le 10 janvier 2020, le Sultanat d’Oman déplore la mort de Qābūs Bin Sa‘īd Āl-Būsa‘īdī, monarque adulé dont le règne de cinquante ans aura été marqué par sa longévité, record absolu dans le monde arabe. Ces années durant, Sultan Qābūs s’est façonné une stature de fondateur de l’Oman moderne, dévoué à développer rapidement le pays et poussé par le mythe de la « Nahda » ou « renaissance ».
Dès les années 70, la manne pétrolière booste l’économie à grand pas, attirant des milliers de travailleurs asiatiques en Oman pour bâtir le pays. Depuis, les flux migratoires n’ont cessé d’augmenter, atteignant de nos jours 40% de la population environ. Pour contrer cette égalité démographique, dans une pensée nationaliste, Sultan Qābūs mis en œuvre dès 1988 un plan d’« omanisation » - encore en vigueur aujourd’hui - visant à réduire la dépendance du pays vis-à-vis de la main-d’œuvre expatriée.
Progressivement, son règne fût marqué par le besoin pressant de diversifier l’économie ; période de la « tandeefh » ; survenue à la suite de l’amenuisement des ressources pétrolières et gazières et aussi, des aléas boursiers. Dans cet esprit, Sa majesté Sultan Qābūs s’attacha à concevoir la « Vision 2040 » d’Oman, référence nationale en matière de planification économique et sociale pour l’avenir du pays. À la mort de Qābūs, son cousin, Haitham Bin Tarik, fût désigné comme successeur par une lettre testamentaire de ce dernier. Aujourd’hui, c’est désormais à lui que revient la charge de reprendre le travail entamé.
De 2020 à 2023, entre la fin d’un règne couronné de succès pour Sultan Qābūs, et le commencement de celui d’Eithem, « Ashes of the Arabian’s pearl », à l’aune de cette période transitoire, est né d’un désir d’observer de près la dynamique de développement économique et l’aménagement territorial du Sultanat d’Oman tous en prenant en considération les acteurs qui se retrouvent au cœur de ce phénomène régional.
Il a ainsi été question de faire dialoguer deux catégories de populations entre-elles, celles qui emploient et celles employées, de manière à souligner les connexions et les modes de hiérarchisation en vigueur qui s’incarnent dans ce phénomène de migration de travail mondialisée. Dans cette perspective, « Ashes of the Arabian’s pearl » a tenté d’illustrer les modes de vie de milliers d’hommes, force ouvrière du pays, issue majoritairement de l’Inde, du Pakistan et du Bangladesh, et ceux, à contre-courant, des entrepreneurs omanais et leurs familles.
En renvoyant au lien existant entre l’espace – celui de l’aménagement territorial - et le temps - celui du règne glorieux de Qābūs - dans les processus nostalgiques et mémoriels, « Ashes of the Arabian’s pearl » questionne le devenir subjectif de cette monarchie du golfe.
À l’image du Sultanat d’Oman, ce projet se situe ainsi à la lisière d’une double temporalité, devenant ainsi un pont entre passé et présent.