Etienne Maury

La montagne effondrée

Le 21 juin 2024, une crue torrentielle dévaste la vallée du Vénéon et le village de La Bérarde, en Isère. Plus qu'un fait divers météorologique, cet événement vient questionner, dans le contexte du réchauffement climatique, nos manières d'habiter la montagne.

Les grandes lignes du phénomène sont rapidement identifiées : conjoncture de fortes pluies, de sols gorgés d'eau, d'une fonte rapide du manteau neigeux et de la vidange d'un lac glaciaire en amont du village. L'eau ruisselle dans le vallon de Bonne Pierre, entraîne les moraines instables et submerge les habitations, parfois sous plus de dix mètres de débris.

Par endroits, la crue recouvre des terrains qui n'avaient pas été inondés depuis dix mille ans. Dans le domaine de la prévention des risques naturels, qui se base sur les traces de phénomènes passés pour déterminer les zones constructibles, ces terrains n'étaient pas particulièrement exposés. Mais le réchauffement climatique change les règles. Pour la première fois en France, la question se pose de savoir si La Bérarde était un événement hors-normes où s'il faut réévaluer les critères d'exposition aux risques naturels dans toutes les Alpes pour éviter une catastrophe à venir.

La haute-montagne est déjà profondément impactée par le réchauffement climatique. Des deux-cent-cinquante glaciers du massif des Écrins, seuls vingt-cinq passeront le cap du XXIe siècle. La destruction de l'un des berceaux de l'alpinisme vient allonger la liste de l'Alpe qui s'érode. Les hommes, les glaciers et les histoires à travers lesquelles ils se lient se font bousculer par l'accélération des modifications. Au visage changeant de la montagne devra répondre notre attachement pour ces espaces.